VEF Blog

Titre du blog : poil à gratouiller
Auteur : Alderic25
Date de création : 08-10-2012
 
posté le 06-07-2013 à 17:39:13

histoires de sourds

 
                                                   C'est dimanche
 
 
 

" La surdité est comique, alors que la cécité est tragique. Prenez Œdipe, par exemple : imaginez qu’au lieu de s’arracher les yeux il se soit crevé les tympans. Ç’aurait été plus logique, en fait, puisque c’est par les oreilles qu’il a appris l’atroce vérité quant à son passé, mais ça n’aurait pas eu le même effet cathartique. Cela pourrait susciter de la pitié, peut-être, mais pas de la terreur. Ecoutez le Samson de Milton : « O dark, dark, dark, amid the blaze of noon, / Irrecoverably dark, without all hope of day » (Ô sombre, sombre, sombre, au milieu de la fournaise de midi, / Irrévocablement sombre, sans espoir de jour) n’a pas le même pathos évidemment. Comment cela pourrait-il continuer ? « O deaf, deaf, deaf, amid the noise of noon, / Irrecoverably deaf, without all hope of sound » (Ô sourd, sourd, sourd, parmi les bruits de midi, / Irrévocablement sourd, sans espoir de bruit). Non.Bien sûr, vous pourriez arguer que la cécité est une affliction plus grande que la surdité. Si j’avais à choisir entre les deux, je choisirais la surdité, je l’admets. Mais ces deux infirmités sensorielles n’ont pas entre elles que des différences de degré. Culturellement, symboliquement, elles sont antithétiques. Le tragique par opposition au comique. Le poétique par opposition au prosaïque. Le sublime par opposition au ridicule. Une des injures les plus fortes dans notre langue, un peu démodée aujourd’hui, est « Damn your eyes ! » (maudits soient tes yeux) (beaucoup plus fort que « Fuck you ! » et infiniment plus satisfaisant – essayez cela la prochaine fois qu’un butor dans une camionnette blanche essaiera de vous écraser) « Damn your ears ! » ne fait pas le poids. » "

 

  "Lodge s’amuse des « durs de la feuille », des « sourdingues », dont il est. Ce faisant, il envisage la surdité dans ses dimensions intimes, sociales, culturelles et linguistiques, de manière décalée, à la fois érudite et drôle, sérieuse et loufoque, en un mot, spirituelle." Christine Marcandier, Médiapart.
 
 
 
                                                Ecouter un extrait